Le Samouraï

Afu-Ra était un honorable samouraï de stature impressionnante. Malgré son jeune âge, il vouait déjà un culte aux codes impitoyables du bushido. Il se veillait d’appliquer soigneusement les règles de la voie du samouraï à chaque instant de sa vie. Tous les matins, dès les premières lueurs de l’aube, la silhouette singulière du guerrier était projetée sur les shōjis décorés des maisons traditionnelles qu’il longeait pour se rendre au dojo.

Le samouraï n’arpentait jamais les rues de la Cité sans être accoutré de son armure. Son corps était impeccablement recouvert de plaques de cuir et de fer pour lui offrir une protection absolue : épaulières, manches, gantelets, plastron, jupe, cuissards et jambières. Son casque cuivré était composé de deux cornes affûtées dorées. La partie frontale de sa coiffe arborait fièrement le blason de la Fondation. Son katana était coutumièrement glissé dans sa ceinture sur sa gauche, rangé dans le fourreau. Sa chevelure noire saillante s’abattait sur le haut de son dos et sur ses épaules, telle une cascade d’encre de sumi. A travers son masque facial, on pouvait entrevoir son regard sérieux et sévère.

Les autres pratiquants du budō l’apercevaient limer scrupuleusement la lame de son katana tous les jours, installé discrètement au fond du dojo. En se servant de ses cuisses comme étau, il frottait soigneusement la lime contre son sabre, produisant ainsi un son doux et régulier qui rythmait les matinées de pratique. Une fois cette préparation consciencieusement accomplie, son entraînement pouvait alors commencer. Le samouraï se levait habilement et se dirigeait sereinement vers le tatami central. Sa manière atypique de manier le sabre était majestueuse. En associant violence et souplesse, Afu-Ra plongeait le spectateur dans une dimension encore méconnue. Chacun de ses gestes était admirablement maîtrisé, ce qui témoignait des innombrables heures de travail passées à épurer les imprécisions de chaque mouvement. La lame traversait l’éther lourd de sueur en toute délicatesse. Malgré la mollesse du geste, on pouvait entendre le sifflement strident de chaque molécule d’air qui se brisait au passage brusque du katana.

Le guerrier était imperturbable. Avec une respiration régulière, il n’interrompait jamais son enchaînement de katas. Mais ce jour, à la surprise de tous les observants, Afu-Ra s’arrêta brusquement, pendant que les regards ébahis des samouraïs l’entourant prolongeaient leur admiration. Les yeux fermés, il rangea sèchement son katana dans le fourreau et s’agenouilla modestement face au torii. Toujours obnubilés par sa beauté incomparable, les autres guerriers n’avaient pas perçu le son de la porte qui s’était bruyamment ouverte dans un long et douloureux grincement : le Guru était arrivé. Le Guru était le maître spirituel de la Fondation. Il était le shogun de l’une des institutions les plus influentes de la Cité. La Fondation, suivant une tradition ancestrale, formait les meilleurs samouraïs depuis des siècles.

« Lève-toi », lui ordonna-t-il calmement.

« Je vous attendais », dit Afu-Ra en se redressant.

« Suis-moi. »

Les deux hommes se dirigèrent vers le jardin. C’était une journée ensoleillée. Au loin, on pouvait entendre les rires des enfants se confondre aux chants des hirondelles perchées sur les branches délicates des cerisiers. Des carpes chassaient les sauterelles qui avaient eu le malheur de chuter dans l’eau verdâtre de l’étang lors d’un bond maladroit. L’atmosphère sentait encore l’herbe fraichement coupée qu’ils piétinaient fermement.

« Je souhaite échanger quelques mots avec toi. Ta maîtrise des katas traditionnels est inégalée. Cela fait maintenant 20 ans que tu t’entraînes jour après jour au perfectionnement de tes gestes et à l’application rigoureuse du bushido. Je suis venu t’annoncer qu’il ne sera désormais plus possible pour toi de progresser. »

A cette annonce, le jeune guerrier eut un léger frisson, mais s’efforça à ne montrer aucune émotion transparaître à travers son masque.

« Cela fait des années que je t’observe et tu as alors atteint un point de perfection ultime. C’est pour cette raison que je souhaite que tu composes un nouveau kata. Sélectionne les meilleurs éléments de chaque clan et compose ta propre chorégraphie. Cette nouvelle danse sera la tienne et sera représentative de tous les clans unis. Et tu n’oublieras évidemment pas de le baptiser, comme de coutume. Maintenant que tu connais ton objectif, va-t’en et ne reviens sur tes pas que lorsque tu auras fini la composition de cette technique. »

Sur ces paroles, une fleur de cerisier se posa gracieusement sur l’épaule du Guru. Le guerrier obéit et se retira sur-le-champ.

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Cela faisait maintenant 6 ans que le samouraï avant abandonné la Cité dans le but d’accomplir sa mission. Il n’y avait aucun signe de son retour. Les membres du dojo parlaient de lui de la même manière que l’on parle d’une légende. Les cris stridents que provoquaient ses coups de katana raisonnaient encore entre les murs du dojo. L’ombre du samouraï qui articulait les frappes puissantes à la perfection avait laissé des marques permanentes sur la surface du tatami. La place au fond du dojo qu’Afu-Ra occupait restait dorénavant déserte, ce qui témoigne du respect que l’on conférait au guerrier. Mais la silhouette singulière était revenue, plus éminente que jamais. Il ouvrit délicatement les portes du torii qui ne grincèrent pas et se dirigea vers le fond de la salle. Il s’installa et s’attela au limage de son katana. Les autres se contentaient de l’observer avec admiration. Le samouraï se leva habilement et se dirigea sereinement vers le tatami central. Plusieurs minutes s’écoulèrent. Rien ne se produisit.

La porte du torii s’ouvrit alors soudainement, accompagnée de son long et douloureux grincement. C’était le Guru. Ce dernier s’agenouilla à la lisière du tatami pendant que le jeune samouraï commençait la démonstration de son nouveau kata. Une telle adresse n’avait encore jamais été aperçue. Une telle agilité semblait simplement impraticable. La vitesse d’exécution était sans précédent, le tout dans un effort minimal. Une fois l’exposition de sa chorégraphie originale accomplie, le Guru hocha la tête.

« Quel est le nom de ce kata ? »

« Je l’ai nommé le Corps de la Force Vitale. »

Le Guru hocha la tête dans un ultime effort, laissant tomber une fleur de cerisier qui se posa gracieusement sur le tatami.

Tracklist:

  1. Intro (The Body of the Life Force) (Performed by Asun The Black Sun)
  2. Soul Assassination
  3. Defeat
  4. Bigacts Littleacts (Feat. GZA)
  5. Quotations
  6. D&D Soundclash (Feat. Jahdan & Smif-N-Wessun)
  7. Mic Stance
  8. Caliente (Feat. Rasheedah)
  9. All That (Feat. H. Stax & Krumbsnatcha)
  10. Headqcourterz (Skit) (Performed by Headqcourterz)
  11. Self Mastery
  12. Visions (Skit)
  13. Mortal Kombat (Feat. Masta Killa)
  14. Warfare (Feat. M.O.P.)
  15. Equality (Feat. Ky-Mani Marley)
  16. Monotony
  17. Bring It Right
  18. Whirlwind Thru Cities (Feat. DJ Premier)