Le L. La douzième Lettre. Lino.

Lino nous (dé)peint sa fresque. Un tableau large, imposant. Les images se succèdent sous nos yeux. On scrute attentivement. Après plusieurs observations, on finit par reculer de quelques pas. Et l’on découvre alors. Les images superposées ne forment plus qu’une image. Une Lettre. L.

On y rentre alors une nouvelle fois. La voix démarre sous le silence. Cette voix de plomb, épaisse, tellement lourde que le silence se fait écraser sous son poids.

Deuxième partie. Le beat tombe. Mais reste suspendu. Une première. Puis une deuxième fois.

« C’est L.I.N.O le L

La douzième lettre, l’alien, le libre penseur,

L’alerte, l’unique, le seul, la balle à ailette ».

 

 Enfin, le beat s’écrase. Claquant, comme les chaines d’un condamné. Lancinant.

« Le lanceur de lames liquides

J’tallume, c’est d’lart à inhaler

J’me livre, salue la vie sur l’air de Live And Die In L.A. »

 

Le texte se doit d’être lu à haute voix. On comprend alors que le rap est poésie, sa force étant révélée par son expression orale.

« Là c’est la lutte finale, sans délai

Vite j’me soulage l’âme à l’oral

Fêlé, j’suis l’élu m’a dit l’oracle

L’électron libre, j’ai l’aura qui luit sous la lune

Lance des litres de lyrics et les livrent comme les lamelles dans l’alu »

 

On commence enfin à comprendre. La douzième lettre est partout. Elle est cette fresque complète qui se dévoile sous nos yeux.

« Ok, j’taffe, j’milite, le ciel ma limite

J’suis l’élite des ruelles sur la liste des lyricistes qui te lynchent en 6 lignes ».

 

Ici, il faut s’arrêter un instant. Ces deux mesures suffisent à nous en informer : Lino est parmi les plus grands lyriciste du rap français. Catégorie poids lourds. De ceux dont une seule punchline suffit à venir hanter ton cerveau nuit et jour.

« Le poids des lettres en kilo, du lourd

Là c’est plus du rap, c’est de l’haltérophilie »

 

À l’écoute de ces enchainements, il se remarque alors une fluidité magistrale, que l’on comprend être le propre de cette douzième lettre de la langue française. La fresque se comprend alors comme une immense allitération de celle-ci.

« J’ai tout l’alphabet dans l’chargeur, mon flingue sait compter jusqu’à douze ».

 

Dès lors, il suffit de nous laisser couler le long de cette source, réciter comme un parchemin qu’on laisserait dérouler sur le sol, porté par le génie oral de Lino.

« Des lettres, des longues lattes, des kilowatts,

De l’art libre, de l’hémoglobine et des larmes de La Mauny »

 

C’est léchée et fluide, comme cette lettre « L » si délicieuse. Mais contrebalancé par cette voix caverneuse et violente. Lino n’a plus qu’à dérouler sa palette.

« T’es un laquais, j’suis en ligue 1

Depuis Hell On Earth ou LL

Juste avant MEEK M.I.L.L

Après Big L et I-L-L-matic, y’a Pete Rock et CL Smooth

Epoque Lunatic et L.432, look Lacoste avant L.V

En Live des ruelles de VLB »

 

Hommage à ses références. Tempo parfait entre le beat et le flow, le premier s’arrêtant à chaque prononciation du « L », l’accentuant ainsi, dans un rythme saccadé mais parfaitement fluide.

La fresque nous fait face. Elle se dévoile désormais sous un autre angle. La puissance lyrique d’une allitération de son, porté par l’un des flow les plus assassins du rap game français. Le pouce à l’horizontale et l’index à la verticale. Légendaire.