Rap Game

« Les années 2000 ? Pfff. Ringarde. Les années 70, 80, même 90, ça, c’était autre chose ! Une vraie musique, authentique, intemporelle. Les années 2000, c’est les paillettes, les couleurs artificielles, les Britney Spears, Tragédie et compagnie. C’est des clips trop flashy, des chorégraphies merdiques, des habits de chiottes, des bimbos barbies refaites, et des adolescents boutonneux fragiles jouant les caïds. Les années 2000 ? C’était zéro ouais. »

Il est vrai que, lorsque l’on se remémore la scène musicale du début des années 2000, une certaine ringardise y semble rattachée. Le rap ne fait évidemment pas exception à ce constat.

C’est à cette période que la musique R&B va connaître un succès important. Celle-ci va alors s’associer au rap, pour l’accompagner en ce début du 21esiècle, et tracer une nouvelle orientation dans ce chemin vaste et abondant de la musique rap. Cette imbrication va de fait apporter au rap un fort succès commercial. En effet, sa musicalité, ainsi que son propos, s’éloignant des paroles violentes et d’une imagerie de gangster de rue, se voit désormais correspondre aux normes dominantes et donc tolérées de l’industrie musicale commerciale et donc des médias. Désormais, le rap devint plus fréquentable, car plus « chantant », plus « romantique », et donc plus « accessible » au grand nombre. Cette réalité permet en partie d’expliquer cette vision quelque peu « mielleuse » qui colle à la peau du hip-hop de ce début des années 2000. Néanmoins, le rap, à cette période, ne s’est pas réduit qu’à cela. En plus d’avoir produit au sein même de ce rap plus commercial des groupes, albums ou morceaux de qualités, nous pouvons observer que dans le même temps se sont illustrés et fait connaître des rappeurs plus « traditionnels », ayant marqué de leurs empreintes le hip-hop.

Les plus fameux à émerger à cette période sont Eminem et 50 Cent. Découverts par Dr.Dre (qui, à cette époque était, comme Andrea Pirlo, celui par qui tous les ballons passaient dans le rap) les deux comparses vont alors trôner en haut du rap game, et s’imposer comme les deux figures majeures du hip-hop de ce début des années 2000. Le premier, au travers d’une imagerie provocante du jeune rappeur trublion, le second en perpétuant cette posture de gangster que l’on retrouve dans le hip-hop des années 90. Au début des années 2000 donc, ce rap « rap » (c’est-à-dire plus proche de ses codes, qu’il avait imposés dans les années 90, cette forme donc que l’on pourrait qualifier de plus « violente ») est porté par ces deux rappeurs incontournables. Mais, en 2005, un inconnu va alors faire son entrée dans le rap game, et de manière fracassante…

Jayceon Ternell Taylor, aka The Game, s’en vient, tel un ouragan imprévisible, renverser le paysage hip-hop de ce début des années 2000, se hissant en haut de la pyramide rap comme un pharaon putschiste que personne n’avait vu venir. Découvert lui aussi par Dr.Dre, The Game apparaît sur la scène hip-hop en ce début d’année 2005 avec un premier album, « The Documentary ». L’album écrase tout sur son passage ; plus de 500,000 mille albums vendus la première semaine de sa sortie ; 4 millions d’albums vendus 10 mois plus tard rien qu’aux Etats-Unis. Un carton immense, pulvérisant un grand nombre de chiffres de vente au sein de la musique rap.

Comment expliquer ce succès ? Probablement par la jonction réussie opérée par The Game, à savoir un album en accord avec son époque, tout en respectant et suivant une tradition musicale hérité des anciens. Cette harmonie se retrouve en grande partie sur les productions de l’album. Le son est neuf, moderne, il sonne « années 2000 » ; cette musicalité dansante et festive que l’on retrouve dans ce style hip-hop mentionné en début de chronique (et qui s’est par ailleurs toujours retrouvée dans le rap, particulièrement le rap de la côte ouest) s’en vient ici s’allier à un rap plus sombre, plus ténébreux, plus menaçant, comme sur les morceaux « Dreams », « Start From Scratch », « West Side Story » ou même « Hate It Or Love It » (et qui sera encore plus évident sur son second album, «The Doctor’s Advocate »).

En termes de lyrics, le constat est similaire. Femmes, sexe, argent, teufs, toute la panoplie du rap consumériste est bien présente. Néanmoins, celui-ci est contrebalancé par des textes plus profonds, plus intimes. Un réel travail est apporté aux paroles. Car oui, The Game connaît ses classiques. Les références aux anciens, de Rakim à Big Daddy Kane, en passant évidemment par Dre, sont importantes. La modernité, mais toujours l’ombre des anciens maîtres dans le dos, poussant, malgré l’argent et le succès, à un travail d’écriture et de réflexion.

Pourquoi The Game ? Peut-être pour s’en rappeler. En effet, 50 Cent ou Eminem semblent avoir gardé aux yeux de beaucoup leur emprise sur cette période, quand le nom de The Game semble avoir quelque peu pris de l’ombre avec le temps. Peut-être aussi car il est l’un des rares artistes que j’ai suivis de ses débuts à aujourd’hui, possédant tous ses albums, achetés les jours mêmes de leur sortie, une fidélité juvénile comme seule l’adolescence pouvait procurer. Peut-être enfin car il me semble que c’est bien l’une des dernières fois où le rap mainstream m’aura autant fait vibrer…

Ce putain de rap GAME.

 

Tracklist:

  1. Intro
  2. Westside Story (Feat. 50 Cent)
  3. Dreams
  4. Hate It or Love It (Feat. 50 Cent)
  5. Higher
  6. How We Do (Feat. 50 Cent)
  7. Don’t Need Your Love (Feat. Faith Evans)
  8. Church for Thugs
  9. Put You on the Game
  10. Start from Scratch (Feat. Marsha Ambrosius)
  11. The Documentary
  12. Runnin (Feat. Tony Yayo & Dion)
  13. No More Fun and Games
  14. We Ain’t (Feat. Eminem)
  15. Where I’m From (Feat. Nate Dogg)
  16. Special (Feat. Nate Dogg)
  17. Don’t Worry (Feat. Mary J. Blige)
  18. Like Father, Like Son (Feat. Busta Rhymes)