Où se trouvait-il ? La surface lui paraissait bien loin, la lumière inatteignable. Il était perdu, rien pour le guider. Il voulut crier, en vain. Il n’arrivait pas à bouger, comme enchaîné, les membres engourdis, la voix enrouée. Autour de lui, l’obscurité, rien que l’obscurité, comme une seconde peau, collante et visqueuse. Il tremblait. Mais où était-il donc ? Était-il seul ? Il commença à avoir peur, se débattit mais en vain, en vain… Il ne bougeait pas, n’arrivait pas à bouger. Que lui arrivait-il ? Il voulut pleurer, les larmes ne vinrent pas et la peine s’accumula, gonfla dans sa gorge, gonfla et gonfla, encore et encore, l’acide monta et il voulut cracher mais rien ne sortit. Tout était silencieux, un silence total, assourdissant, suffoquant.

Il ferma les yeux. Le noir recouvrait ses paupières, les alourdissait. Dormait-il ? Il ne le savait pas. Il voulut appeler à l’aide, sans succès, alors les pleurs se firent plus urgents. Il tenta de se recroqueviller sur lui-même, mais son corps ne répondait pas, ne l’écoutait pas. Et puis la surface, comme un signal d’alarme dans sa tête, la surface ! Il gémit d’incompréhension, d’angoisse, de peur, de tout mais rien n’aidait. Il voulait sortir de là, sortir de cette camisole, de cette bulle qui l’emprisonnait, mais rien, absolument rien ne l’avançait. Ni lumière pour l’illuminer, ni son, ni odeur pour le ramener en haut, au-dessus de la surface. Et les maux, toutes les larmes qui l’alourdissaient, comme un poids à la cheville, qui l’entraînaient dans les vastes profondeurs opaques de la peur. Pas d’issue, pas de sortie de secours, pas de signaux indiquant une possible fuite. Son corps était prisonnier et son cœur aussi.

Tout autour de lui, l’aphasie le surplombait, comme dans une autre dimension et les pleurs dans sa gorge avaient formé un nœud autour de son cou. Il voulut s’enlacer, pour se rassurer, pour se rappeler ce que cela faisait mais ses membres étaient de pierre. Il essaya de rouvrir les yeux. Peut-être que s’il se concentrait, il allait voir une lueur ou entendre un son, sentir une odeur familière, peut-être que s’il réfléchissait fort il allait remonter à la surface et il se réveillerait comme après n’importe quel rêve. Peut-être, peut-être que ce n’était rien, peut-être qu’on l’aidait déjà, peut-être qu’une voix qu’il connaissait bien aller l’attirer vers elle et le prendre dans ses bras, lui dire que tout allait bien. Peut-être qu’il était vraiment seul, seul au monde, seul avec sa peine. Mais où se trouvait donc le son de la pluie ? L’odeur des rayons de soleil ? La chaleur du corps ? La lumière ? L’avait-on laissé là, tout seul, sans personne ? N’entendait-on pas ses appels au secours ? Il sanglota, sans que les larmes coulent, sans que son torse ne se bombe, il sanglota pour lui. Il ne savait plus rien faire et il était terrifié, terrifié à l’idée d’avoir été abandonné, d’avoir abandonné, d’avoir baissé les bras. Il ne sentait rien, ni le froid, ni la chaleur, ni la tiédeur, comme si chacun de ses sens avaient été anesthésiés.

Alors il pensa, parce qu’il ne lui restait plus que cela, au ventre de sa mère, à la douceur de son amour, aux bras de sa compagne, au pelage délicat de son chien, au sourire de sa sœur, au chant des oiseaux, aux rayons d’un soleil couchant dans les pointes des arbres, au son régulier du piano, à la voix de celle qu’il aimait, au vent printanier dans ses cheveux, et il se souvint, oui, il se souvint de la raison qui fait qu’il se trouvait là. Ces choses qui rendaient la vie belle, qui adoucissaient sa violence et son injustice, ces choses qu’il avait ignorées et qu’il craignait ne plus jamais ressentir. Alors il pensa encore et encore, parce qu’il ne lui restait plus que ça, parce que maintenant qu’il avait goûté à la mort, il voulait goûter à nouveau à la vie.