Le Chef-d’oeuvre inconnu

Suivant les traces de Frenhofer et Tchartkov, Celph Titled s’est vu, comme le premier, créateur d’un chef d’œuvre, et comme le second, acquéreur d’un tableau hors du commun. Car l’œuvre dont il est question ici n’est pas née de la main d’un seul génie. Une double quintessence s’est réalisée, pour former, comme le soleil se plaçant parfaitement à l’arrière de la lune, une éclipse dont les rayons argentés ont déposé leurs parcelles de pellicules d’or sur l’horizon doré du paysage rap.

Ce soleil, apparu au loin, se nomme Buckwild. Producteur incontournable de la scène hip-hop, le gaillard du Bronx roule sa bosse depuis de longues années, fournissant aux plus grands du rap leur came quotidienne d’instrumentales sombre et jazzy, à s’envoyer directement dans les veines, entre deux boom-bap au son de cuivre rouillé. Il se murmure d’ailleurs que les instrumentales concoctées dans cet album était à l’origine destiné à un certain Big L…

Mais c’est donc Celph Titled à qui incombe la tâche ardue de reprendre le flambeau du rappeur dont la flamme s’est malheureusement éteinte bien trop tôt. L’héritier va cependant montrer au maître que sa succession ne pouvait tomber en de meilleures mains. Celph a en effet fait ses armes dans certaines des plus violentes armées du pays. Demidgodz d’abord, avec son compadre de longue date Apathy. Une école militaire montée de leurs propres mains, où les premiers effluves de sang laissé derrière eux ne pouvaient que laisser présager une suite de parcours pour le moins sanguinaire.

Celle-ci est confirmée après que les deux comparses intègrent l’impitoyable armée des pharaons. C’est ici, dans cette armada où seuls les plus dangereux ont survécu, que Celph va se faire connaître. À côté des bourrins fonçant tête baissée dans une mare de sang noire, et des psychopathes torturant leurs proies à coup de cisailles mortelles dans le dos, il se démarque par la virtuosité de sa cruauté, se dressant entre les deux clans, alternant attaques violentes et frontales puis découpage de tête feutré, un mélange habile de puissance physique et d’intelligence tactique. Son nom devient alors légende au sein de l’armée. Et lorsque, devant perpétuer la tradition de la ligue voulant que chaque combattant se doit de partir une fois seul au combat pour devenir un vrai guerrier, Celph choisit donc comme maître d’armes Buckwild.

C’est donc sur seize titres, cachés derrière une pochette explosive, que va se dévoiler le chef – d’œuvre du plus grand combattant de l’armée. La tunique guerrière a laissé place au costard et cigare, mais l’habileté brutale n’a elle pas bougé. Au contraire, la force du martial n’en ressort que plus puissante. Entre quelques passes d’armes avec ses coéquipiers, le timbre de voix grave et obscure de Celph finit toujours par l’emporter. Le niveau est passé au stade supérieur. La vitesse du flow s’est élevée, la justesse aussi, embrassant aussi bien les grosses productions explosives que les morceaux aux tonalités smooth et jazzy. Le soldat s’en peut retourner chez les siens, le doute n’est désormais plus permis: il est le plus grand  guerrier de l’armée.

L’histoire de cet album, c’est celle de deux talents combinés, dont la résultante a formé l’émergence d’une entité nouvelle parfaite, portant le nom d’un passé ô combien parfait lui aussi. Une création nouvelle en souvenir d’une époque passée.

« And I miss those days when I look back over my life
Those things done changed, I miss those good times »

Tracklist:

  1. The Deal Maker
  2. Out To Lunch (Feat. Treach of Naughty By Nature)
  3. Ereserheads (Feat. Vinnie Paz)
  4. Fuckmaster sex
  5. Swashbuckling (Feat. Apathy, Ryu & Esoteric)
  6. I Could Write A Rhyme
  7. Hardcore Data
  8. Mad Ammo (Feat F.T. & R.A. The Rugged Man)
  9. Tingin’ (Explicit)
  10. There Will Be Blood (Feat. Sadat X, Grand Puba, A.G. , O.C , & Diamond D)
  11. Miss Those Days
  12. Step Correctly
  13. Back Juice
  14. Styles Ain’t Raw (Feat. Apathy & Chino XL)
  15. Where I Are
  16. Time Travels On (Feat. Magic Most & Dutchmassive)