Une enfance ensoleillée 

On était allongé sur les grosses pierres, à l’extrémité du port, en face du lac. C’était en plein mois d’août, au début de l’après-midi. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Ses rayons lumineux nous piquaient les yeux. On voyait scintiller son éclat dans l’eau claire du lac, qui formait des milliers de petits points blancs et transparents à sa surface.

Quand on regardait la ville au loin, la vision était comme troublée. La chaleur nous appuyait sur la tête et nous chauffait la peau. Sur les rochers, elle faisait s’élever dans l’air une odeur de roche brûlée, mélangée à l’odeur de poisson sortant des seaux des pêcheurs se tenant debout à côté de nous. Au loin, on entendait parfois le sifflement du bateau qui, lorsqu’il se dirigeait vers le port de la ville, rejetait sur la rive de petites vagues qui venaient s’écraser à nos pieds.

Sur les cailloux se trouvaient quelques personnes. On les entendait parler, rire. Certains plongeaient dans le lac et nageaient quelques mètres dans l’eau fraîche. D’autres fumaient ou jouaient tranquillement aux cartes. Des cygnes au plumage blanc crème passaient parfois devant nous, glissant sur l’eau la tête relevée, le cou droit et fier. Dans le port résonnait le bruit de mât des bateaux immobiles, balancé par la légère brise qui s’élevait parfois. Derrière, on entendait le cri des enfants qui jouaient au foot sur le terrain.

Et nous quatre, nous étions couchés, les yeux fermés, face au soleil. On venait tout juste de sortir du lac. Les gouttes perlaient sur nos orteils, quelques secondes en équilibre, et tombaient ensuite sur les cailloux, formant de petits ronds larges et sombres sur la pierre. Le soleil faisait briller l’eau sur notre peau et dans nos cheveux. On levait parfois la main de notre linge et on venait la déposer sur la pierre brûlante. Notre main devenait sèche, râpeuse. On se tournait alors sur le ventre pour pouvoir laisser notre dos se réchauffer lui aussi.

Et alors, en entendant les cris des enfants, on se remémorait ces moments quand, petits, on descendait nous aussi jouer au terrain. Ces après-midis où, sous la fournaise de ces journées d’été, on courrait sur cette pelouse, écrasant l’herbe déjà brunie par le soleil. On portait les buts ensemble jusqu’au terrain, ou alors, on posait nos t-shirts pour faire les poteaux. On transperçait au passage ces armées de moustiques qui volaient au bord du terrain, en avalant parfois un par mégarde.

On courrait alors de toute nos forces sur cet immense terrain. Les parties duraient une, deux, trois heures. Toute la journée. On se taclait, on se dribblait. On célébrait nos goals comme si le stade était rempli. On se roulait dans l’herbe, et alors ça nous grattait pendant des heures. On transpirait, et alors la peau nous collait. On avait le visage tout rouge. Alors on allait au robinet, et on buvait avidement l’eau fraîche qui coulait à flots. On y passait la tête en dessous. Les cheveux. Le visage. On faisait un jet pour pouvoir se mouiller. Et alors on descendait sur les cailloux, et une dernière fois on sautait dans le lac. Et l’eau était douce, rafraîchissante. Elle faisait disparaître la transpiration et les grattements. Et on voyait au loin le soleil qui, lentement, entamait sa descente. Alors, du côté de la ville, le ciel prenait une teinte rosée, aspirant les ultimes rayons du soleil. Les derniers voiliers rentraient calmement au port. Les gens commençaient à plier leur linge. Et alors on sortait nous aussi, trempé, le t-shirt couché sur nos épaules, les genoux rougis et écorchés par le match. On passait alors prendre une glace à la buvette, où le patron nous saluait toujours. Et alors on remontait la route, à pieds nus, les chaussures dans une main, la glace dans l’autre. On remontait la route, marchant dans les cailloux, dans le gravier, dans l’herbe, avec la fraîcheur du début de soirée qui nous glissait au travers des orteils.

Et alors j’ai rouvert les yeux, couchés sur nos linges. Je tourne la tête et j’observe mes trois amis qui somnolent sur la pierre. Et derrière, j’aperçois les quatre enfants, qui courent sur le rivage, leur ballon sous le bras, leur t-shirt sur les épaules. Ils courent vers les pierres, prêts à sauter une dernière fois dans le lac avant de rentrer là-haut, à la maison.

Tracklist:

1. The Count (Skit)
2. Big City
3. Good Ol Love
4. Fats Belvedere (Skit)
5. Da Grind feat. Apocalypse
6. H.O.O.D.
7. The Stoop (Skit)
8. Beautiful
9. F.A.Y. feat. Stricklin
10. Fats Crib (Skit)
11. Soda & Soap feat. Jean Grae
12. Do It Man feat. Big Noyd
13. Bklyn Masala feat. Leschea
14. The Proposition (Skit)
15. Travelocity feat. Punchline & Wordsworth
16. The Ways
17. Wutuwankno feat. Edo G
18. The After Party (Skit)
19. Oh My God feat. The Beatnuts & Rahzel
20. Cellmate (Skit)
21. Revelations