Le soleil est à son zénith. Je suis seul avec mon cheval dans le désert. A quelques bornes de là, je parviens encore à percevoir la ville d’Armadillo, un trou à rats qui héberge les chercheurs d’or désillusionnés. Ils ont traversé toute l’Amérique en espérant devenir riche. Ils ont tout claqué pour au final se retrouver sans rien. Ils dépensent ce qui leur reste en alcool et en jeux d’argent. Ils n’ont plus rien. Tous les jours, il y a des mecs qui s’entretuent en duel en pensant prouver leur valeur. Mais tout le monde s’en fout. Les gens ne pensent qu’à leur gueule. Au final, je ne suis pas différent d’eux.

Le soleil se couche. Je vois passer un train à vapeur qui déverse sa fumée noirâtre dans les airs. La trainée noire se mélange avec le teint orangé du ciel. Il fut un temps où je serais parti à la poursuite de ce train avec ma bande. On aurait pillé ses passagers jusqu’au dernier. Qu’ils soient riches ou pauvres, ils y seraient tous passés. On n’était pas des robins des bois. On voulait juste se faire de l’oseille et que les gens tremblent à la simple mention de notre nom. Mais depuis, les choses ont changé. J’ai changé.

Maintenant, j’ai une famille et un ranch à entretenir. Je sais pas si c’est le fait que je sois plus mature mais ces délires de braquer, de voler, de tuer, ça n’était plus pour moi. Les gars n’arrêtaient pas de me dire que je m’étais ramolli depuis que j’avais commencé à fréquenter Abigail. Ils avaient sûrement raison et je m’en fous. Je voulais être avec elle et former une famille avec elle. Alors petit à petit, j’ai commencé à lâcher le groupe. Je me contentais juste de faire le guet en attendant que les autres finissent leur hold-up. Et puis à la naissance de Jack, j’ai définitivement coupé les ponts. Avec Abigail, on s’est trouvé une ferme et on a commencé notre nouvelle vie. Je n’ai plus jamais recroisé les anciens de la bande. Leurs exploits arrivaient encore jusqu’à mes oreilles mais je ne les ai plus jamais revus. J’aimerais bien les revoir juste pour les remercier. Les remercier de ne pas m’avoir descendu et de me laisser mener ma vie tranquillement. Les remercier d’avoir fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. Et pourtant, la prochaine fois que je les verrai, ça sera pour les buter. J’ai beau me dire que ça n’est pas de ma faute, que je n’ai pas d’autres choix, mais j’arrive pas. Je me dégoûte. Je vais devoir tuer mes frères si je veux sauver ma famille.

Des fois je me dis que mon passé de bandit, ça n’est rien par-rapport à ce que me font ces fils de pute du gouvernement. Ils se servent de moi pour que je fasse le sale boulot à leur place. Ils sont censés protéger les citoyens mais en réalité, ils en ont rien à foutre. Ils en ont juste après leur foutue promotion. Si je ne tue pas les gars de ma bande, jamais ils ne me laisseront revoir ma famille…

Enfin le soleil s’est couché. Le froid s’est installé. Il règne un silence de mort autour de moi. Un présage de ce qui s’apprête à se passer dans quelques instants. Les environs ne sont éclairés que par la lumière de la lune. J’avance en direction d’une cabane esseulée. Des voix se font entendre de plus en plus fort au fur et à mesure que je m’approche. Je reconnais ces voix bousillées par l’alcool. Ce sont eux… C’est ce soir ou jamais. Cette nuit, le John Marston hors-la-loi va enfin laisser la place au John Marston fermier et père de famille. Cette vie de truand a assez duré. Ma rédemption passe par leur mort.

Je prépare mon Colt. Les voix se sont éteintes. J’entends maintenant des chuchotements. Ils sont en train de s’agiter. Ils savent que je suis là. Ma rédemption sera sanglante…