Je me trouvais face à une immense colline. Si je parvenais à atteindre le sommet, je pourrais avoir une vision dégagée de ce qui m’entoure. Ma décision était prise, il fallait que je grimpe là-haut. La colline était relativement haute mais rien d’insurmontable. C’était sans compter la grosse averse qui se déversa sur moi quelques secondes à peine après avoir débuté mon ascension. La surface devenait impraticable, et plus j’essayais de grimper, plus je glissais et revenais à mes débuts. Il fallait donc que je trouve un autre chemin. En contournant la colline, mes yeux finirent par se poser sur une lueur bleuâtre qui émanait d’une montagne au loin qui avait une morphologie atypique. Sans faire attention, je me mis à marcher dans cette direction, tel un papillon de nuit attiré par une flamme. Quant à la colline que je voulais escalader en premier lieu, j’y retournerai une autre fois quand le temps sera plus propice.


Je pense que dans cette petite introduction se trouve toute l’essence de ce qui constitue le plaisir de jeu du dernier né de Nintendo : The Legend of Zelda : Breath of the Wild. Dans ce Zelda, le concepteur du Jeu Hidemaro Fujibayashi et son équipe avaient comme ambition de laisser au joueur la liberté d’aller où bon lui semblait et à n’importe quel moment. Il n’était pas question de prendre le joueur par la main et de lui imposer une progression prédéterminée. A partir de ce postulat, tout l’enjeu pour Nintendo était de permettre au joueur d’évoluer dans le monde d’Hyrule comme il l’entendait sans qu’il ne ressente la présence de barrières qui le contraindrait dans son désir d’exploration.

Pour cela, Fujibayashi a pensé à implémenter dans le jeu, deux mécaniques qui, à première vue, semblent anodines, mais qui vont permettre d’insuffler au jeu et au joueur, ce sentiment de liberté tant recherché. Il s’agit du fait que Link (le personnage contrôlé par le joueur) puisse escalader n’importe quelle surface, que ce soit une montagne ou un mur, et qu’une fois dans les airs, il puisse planer grâce à une sorte de paravoile. Ces deux éléments de gameplay vont influencer tout le rapport que le joueur a face à son environnement. Que ce soit les montagnes, les falaises, les canyons et les grandes hauteurs, le joueur ne les verra pas comme des contraintes, mais plutôt comme des points d’appui, des lieux à explorer, etc. Il arrivera donc très souvent qu’au cours du jeu, l’on se trouvera face à un élément qui semble infranchissable et, plutôt que de se résigner et chercher un autre chemin, l’on va plutôt se dire : « Il doit y avoir une belle vue de là-haut ».

C’est une fois arrivé au haut d’un sommet que ce fameux paravoile prend toute son importance et s’intègre parfaitement dans la vision du jeu des développeurs. S’il n’était pas donné la possibilité à Link de planer, chaque escalade serait irrémédiablement suivie d’une forme de sanction qui est celle de sa redescente. Si celle-ci se faisait de manière « normale », c’est-à-dire à pied et en faisant attention à ne pas tomber de trop haut, cela aurait rendu pénible une partie de l’exploration et le joueur, inconsciemment, se serait donné des limites. Ce sentiment de contrainte serait en totale opposition avec l’idée de base des concepteurs du jeu qui est, justement, de n’imposer aucune barrière. Or, grâce au paravoile, la descente d’un sommet se fait de manière totalement fluide et ne limite en aucun cas les déplacements du joueur. La hauteur, à l’instar des montagnes, devient alors un élément qui sert au joueur et qui va lui permettre d’accéder plus facilement à certaines zones. C’est en planant à de hautes altitudes que le joueur va comprendre que rien ne lui est inaccessible.

Ces deux mécaniques, qui sont nouvelles dans la série, permettent donc de faire fructifier ce sentiment de liberté dans l’esprit du joueur. Bien sûr, si ce nouveau Zelda est autant acclamé par la presse et par le public, ce n’est pas uniquement car il nous est donné la possibilité de grimper et de planer dans les airs. C’est aussi parce que le monde qui nous est proposé possède une cohérence qui est de l’ordre du jamais vu. Chaque élément qui se trouve dans le jeu a son importance et son utilité. Le joueur, ainsi que les ennemis, peuvent interagir avec ces éléments, qui eux-mêmes vont provoquer des réactions sur d’autres éléments. Par exemple, si le joueur met le feu à des hautes herbes, celui-ci va se propager et créer des courants ascendants qui peuvent être exploités par le joueur. Par contre, s’il se met à pleuvoir, immanquablement, ce feu mourra. Tous ces éléments vont faire vivre le monde d’Hyrule et lui donner une cohérence saisissante. A cela s’ajoute tous les mystères et les mythes que le joueur se donnera, ou non, comme mission d’aller enquêter et vous obtenez un univers qui, bien qu’il puisse paraître vide à première vue, est rempli de vie.

Grâce à toutes les possibilités qu’offre le jeu, le joueur n’a de cesse d’être stimulé, de réfléchir, de se poser des questions sur comment aborder telle ou telle situation. The Legend of Zelda : Breath of the Wild, sous ses aspects de jeu minimaliste, recèle des mécaniques de jeu parfaitement huilées et cohérentes entre elles. Tout, dans le monde d’Hyrule, a son importance et peut-être utilisé à l’avantage du joueur. Celui-ci est constamment en train de faire des choix et le jeu arrive ce tour de force de récompenser, d’une manière ou d’une autre, ces choix. Il n’y a aucune bonne façon de jouer qui serait suggérée par les développeurs, si ce n’est celle choisie par le joueur.