« The portorican super-hero »
Ancien Bodybuildeur. Génie au Q.I. supérieur à la moyenne. Le seul et l’unique à avoir osé attaquer le grand 2pac. Les légendes et anecdotes dont faisait l’objet Chino étaient nombreuses. Certaines étaient bien réelles, d’autres totalement fantasmées. Il s’en trouvait une, cependant, qui s’avéraient fondée et que chacun se devait de reconnaître : au micro, il était l’un des plus talentueux qu’y existe.
Alors, lorsque John, jeune journaliste tout juste embauché par le quotidien de la ville, lorsque John donc reçu une lettre l’informant que Chino était prêt à lui donner la seule et unique interview qu’il avait jamais accordé, il en resta, lui et tous ses collaborateurs, bouche bée. Il faut savoir que Chino n’avait jamais daigné s’exprimer dans les médias. Personne ne savait rien de lui, si ce n’est ces quelques rumeurs étranges qui tournaient à son sujet. Personne ne l’avait même jamais, en réalité, rencontré. Il avançait masqué, crachant ses vers assassins à l’encontre de tous, sans raison apparente. Simplement pour attaquer. Car oui, Chino était violent. Très violent. Une sorte d’anarchiste tirant sur tous ce qui bougeait, sans aucune crainte des représailles. Il était de ce fait autant adulé que détesté. Un gourou pour certains, le seul n’ayant pas peur de se mettre tout le rap game à dos. Un simple provocateur pour les autres, lui reprochant de ne chercher par ses saillies rien d’autre que le buzz. Néanmoins, son talent parlait pour lui. Ce qui ne faisait que le rendre plus adulé par ses disciples et toujours plus haï par ses rivaux.
Mais revenons à John. John, donc, assis sur sa chaise de bureau, était complètement abasourdi par cette lettre qu’il tenait entre les mains. Il n’en croyait pas ses yeux. Les mots étaient pourtant bien réels, tapés à la machine sur ce papier blanc que ses doigts serraient brutalement. Le texte était le suivant :
« John,
Soyez, ce soir, à 17 heures, sur Rocket Street, en face du café Bullet. Seul. »
Chino XL
Il relut la lettre plusieurs fois. Pas d’adresse, pas de signature, pas de timbre, simplement cette lettre déposée le matin même à la réception, que la secrétaire lui avait transmise. Ses collègues autour s’étaient également arrêtés d’écrire et l’encerclaient désormais, les yeux rivés sur la missive.
-C’est probablement une farce « grogna Steven en retournant s’asseoir à son bureau. N’importe qui a pu déposer cette lettre à la réception et écrire ce nom à la fin.
-N’empêche, si c’est lui, ça serait une occasion en or de rencontrer le grand Chino XL ! s’écria Donovan.
-« Le grand Chino XL ! » Me fais pas marrer, Donovan. Il est fini, le bonhomme. Ça fait bien longtemps que plus personne s’intéresse à lui, rétorqua Anthony.
-Arrête de faire ton rabat-joie. Ce type est une légende, que tu le veuilles ou non, répliqua Stuart.
Chacun y allait de son petit commentaire. John, lui, n’entendait qu’indistinctement le flot continu des paroles ricocher au-dessus de sa tête. Il était concentré sur ses pensées, tâchant de tirer au clair les mystères qu’avait ouverts en lui cette lettre. Comment Chino avait-il pu savoir qu’il travaillait ici ? C’était son premier jour au journal, et il n’était absolument pas connu dans le milieu journalistique. Pourquoi donc Chino voulait-il lui accorder cette interview, le premier qu’il n’aille jamais donnée ? À lui, ce jeune novice encore inconnu ? Les questions se multipliaient, les réponses manquaient.
-Bon, fini par dire John en se levant, je vais aller regarder ça avec le boss. Voir ce qu’il en dit.
-Le boss, il est pas là aujourd’hui, l’informa Steven, qui s’était remis à taper frénétiquement sur sa machine à écrire, une cigarette pendue au coin des lèvres. Il revient demain.
-Ah merde, c’est juste, j’avais complètement oublié, dit John en se passant la main dans les cheveux.
-Mais tu t’en fous, tu termines le boulot à 16 heures. Ça te laisse largement le temps de descendre sur Bucket Street retrouver l’autre bonhomme. Vas-y, John, et ramène nous un article béton !
John réfléchissait à tout cela. Ses pensées un peu embrouillées, il aurait voulu demander conseil à ses collègues. Mais ceux-ci étaient déjà retournés à leurs bureaux. « Il faut croire que le légendaire Chino n’intéresse plus grand monde de nos jours, pensa John. C’est peut-être pour ça qu’il aimerait me rencontrer d’ailleurs. Qui sait… »
Les idées toujours confuses, John prit place à son nouveau poste de travail. Il ne s’était pas attendu à cela pour son premier jour. Il se mit néanmoins au travail. La journée passa étonnamment vite. Il avait déballé ses cartons et avait pris plaisir à ranger et aménager avec soin son nouveau lieu de vie. Il partit à 16 heures pile, un magnétophone et son calepin sous le bras. Il s’arrêta dans un tabac commander un café, se gara dans la petite ruelle à côté du lieu de rendez-vous, et attendit, l’œil collé au rétroviseur.
17h. John attendait devant le café Bullet, les mains dans les poches, le nez enfoncé dans son écharpe. L’arrière-goût du mauvais café sous sa langue était encore perceptible. Le froid intense faisait ressortir sa respiration au travers de son écharpe en une épaisse fumée, qui s’en allait rejoindre celle du caniveau qui s’échappait au bord du trottoir. Il releva la manche de son manteau. 17h05. Toujours rien.
Soudain, son téléphone sonna. Il s’empressa de le sortir de sa poche intérieure. Numéro inconnu. Il décrocha.
-Allô ?
-Salut, John.
-Qui est à l’appareil ?
-À ton avis ?
John sentit son cœur s’accélérer dans sa poitrine. Il déglutit lentement, se mordant légèrement l’intérieur de la lèvre. Il prit une profonde inspiration.
-Monsieur Chino XL ?
-Bingo.
Un frisson parcourut le corps de John. Chino XL ! Le grand, le légendaire ! Et c’est lui, John, qui, pour une raison encore inconnue, l’avait au téléphone ! Il ressentit un léger picotement dans son ventre, comme une sorte de piqûre que l’on éprouve parfois lors d’événements inattendus et qui fait se confondre l’espace d’un instant le rêve et la réalité.
-Je…, commença John
-Ecoute, petit, je n’ai pas le temps de t’écouter. Si j’ai voulu te rencontrer, c’est pour pouvoir causer, et non pas pour t’entendre causer. Alors écoute, prête bien attention à ce que je vais te dire, parce que je ne le répéterai pas. C’est bon, tu es avec moi ?
John avait bien compris qu’il ne pouvait rien ajouter à cela. Il s’agita cependant, fouillant précipitamment dans sa poche à la recherche de son magnétophone.
-Arrête de t’agiter. Je suis en train d’enregistrer cette conversation, je t’enverrai la bande ces prochains jours. Maintenant, ouvre grand tes oreilles : je pars.
Silence. John entendait la respiration lente et profonde de son interlocuteur. Il attendait la suite.
-Vois-tu, John, la vie m’emmerde. Les gens me prennent pour un grand homme, une légende, un révolutionnaire, ou tout ce que tu veux. Mais en réalité, ils n’ont rien compris ; je n’en ai rien à foutre du rap. Si j’ai insulté tous ces rappeurs, c’est simplement parce qu’ils m’emmerdent. Les médias, si je ne leur ai jamais accordé aucune entrevue, c’est parce que je les emmerde aussi. Je n’ai aucunement vocation à me lever contre ce système que j’emmerde. Je l’emmerde, un point c’est tout. Ce qui est marrant, c’est que tous ces cons là dehors me vénèrent. Ils me prennent pour le messie, attendent que je descende dans la rue et viennent leur prendre la main pour qu’ensemble, on aille tout casser. Ah ah ah. Les gens, j’te jure. Aussi débiles que ceux qu’ils critiquent.
Nouveau silence. John fixait le sol devant lui, agrippé à son téléphone, concentré de toute son attention sur cette logorrhée que venait de débiter Chino. Il ne jugeait pas, ne pensait pas. Il attendait simplement la suite.
-Le problème, c’est que, aussi bizarre que celui puisse paraître, j’y ai pris goût, à cette popularité. Il faut me comprendre. Etre adulé, quand on est qu’un simple troubadour virulent, c’est vicieux, parce qu’ensuite, on ne peut plus s’en passer. Du coup, ça me déplait que plus personne ne parle de moi. Et comme je n’ai aucun idéal, aucune vocation à rien, j’ai décidé de partir. Mais partir avec panache. Et c’est là que tu interviens.
John retenait sa respiration. Il voulait protester, mais ses pensées traversaient son esprit comme des flèches venant transpercer les mots qu’il voulait prononcer.
-Comment crois-tu que j’aie pu savoir que c’était aujourd’hui ton premier jour au journal ? Comment se fait-il que je connaisse ton nom et ton lieu de travail ?
John releva la tête, paniqué. Il tourna rapidement la tête autour de lui, dans l’espoir d’apercevoir un homme l’observant, un téléphone à l’oreille.
-Je…
-Allez, ne soit pas bête, réfléchi.
John se passa la main sur le front. Ce petit jeu ne l’amusait plus. Chino jouait avec ses nerfs, et John était à bout. Il n’avait pas à subir cela.
-Ecoutez, maintenant c’est terminé, gronda John. Vos histoires ne m’amusent plus. Vous…
Et soudain, John compris. Il ouvrit grand les yeux Il avait bien pensé avoir déjà entendu cette voix. Mais il n’en avait pas tenu rigueur. Tout s’expliquait désormais.
-Monsieur Patterson ! Monsieur le directeur ! C’est bien vous, Chino XL !
-Bingo
John n’en revenait pas. Depuis tout ce temps, l’illustre rappeur Chino XL était en réalité le patron du plus grand quotidien de la ville ! Son patron d’ailleurs, qu’il connaissait bien ! John ne pouvait pas le croire.
-Mais comment…
-Ecoute, John, je t’ai dit que je n’avais pas beaucoup de temps. Vois-tu, je voudrais que tu publies un article sur moi, et qu’il paraisse dans le journal de demain. Le tirage doit se faire ce soir, donc le temps presse. Tu comprends, je refuse qu’on m’oublie. Même si je ne crois en rien, je veux qu’on se souvienne de moi. Que les gens parlent de moi pendant encore de longues années. En bien ou en mal, peu m’importe. Je veux continuer à vivre dans la conscience collective.
-Mais vous…
-Ecoute-moi bien, John. J’ai sur la tempe un flingue, et je m’apprête à tirer. Et demain, lorsque tu recevras cette bande téléphonique (tu la recevras, ne t’inquiète pas de savoir comment), tu l’as feras écouter aux journalistes. Un suicide téléphonique, du grand Chino XL, ça va faire du bruit.
-Attendez !
-Je suis désolé de te faire ça, petit. Si je t’ai choisi, c’est parce que je t’apprécie. Et je voulais te le dire. A bientôt.
-Chino…
Une double détonation se produisit alors. La première, au téléphone. La violence du tir résonna dans l’oreille de John. Il sifflement aigu résonna alors dans son tympan. Assourdi, John entendit cependant dans le même temps le coup de feu à l’intérieur du café Bucket. Il cru encore entendre les cris stridents des femmes qui sortaient en hurlant du café, observant le chaos à l’intérieur, les gens renversant les tables, le barman décrochant un fusil du plafond pour se diriger vers les toilettes d’où était parvenue la déflagration, toutes ces images s’imprégnant dans son iris en même temps qu’il s’asseyait sur le trottoir, les yeux hagards, une main derrière la nuque, et un dernier son, celui des sirènes d’ambulance et de police qui résonnaient au loin.
……………………
Le lendemain, John fut réveillé dans son bureau par Steven. Il avait suivi les recommandations de Chino. Après cet événement, il était retourné au bureau et avait tapé son article, sur lui et sur ce qu’il venait de vivre. Plongé dans une sorte d’état second, il avait tapé machinalement son papier et était allé l’apporter pour le tirage du lendemain. De retour dans son bureau, il s’était effondré de fatigue, la tête posée sur sa table. Steven, donc, arriva en trombe dans le bureau de John et le découvrit ainsi. Il le secoua vigoureusement.
-John, John, réveille toi !
John ouvrit lentement les yeux.
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Regarde la une des journaux de ce matin !
Et Steven étala sur toute la table les journaux qu’il tenait sous le bras. Et tous titraient en première page la mort de Chino XL. John se redressa de sa chaise. Comment les autres journaux étaient-ils au courant ?
Il s’avérait que plus de 20 personnes s’étaient donné la mort le jour d’avant, suivant chacun le même procédé. Tous s’étaient revendiqués comme étant Chino Xl. Et chez tous avaient été découverts, dans leur poche un morceau de papier, comprenant une seule et même phrase : « Here to Save You All »…
Tracklist:
- Here to Save You All
- Deliver
- No Complex
- Partner to Swing
- It’s All Bad
- Freestyle Rhymes
- Riiiot! (Feat. Ras Kass)
- Waiting to Exhale (Feat. Gravitation)
- What Am I ?
- Feelin’ Evil Again
- Thousands
- Kreep
- Many Different Ways
- The Shabba-Doo Conspiracy (Feat. Kool Keith)
- Ghetto Vampire
- Rise
- My Hero (Hidden Track)