Westworld est une nouvelle série diffusée sur la plateforme de HBO. Crée par Jonathan Nolan (The Dark Knight, The Dark Knight Rises, Interstellar) et Lisa Joy (Pushing Daisies, Burn Notice), ces scénaristes plongent leur public dans un environnement où le doute devient un élément nécessaire au développement de la narration. Sans vouloir trop me focaliser sur les détails du scénario, ce texte propose une réflexion autour de certains thèmes abordés tout au long de la première saison de Westworld. Il va de soi qu’un spoiler alert s’annonce ici. Cette première saison a laissé son public avec bien plus de questions que de réponses.

L’Acte de Création

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Dr Ford et Bernard, admirant leur création

Assez rapidement, le public devient témoin de la confession du Dr Robert Ford qui avoue vouloir jouer à Dieu avec son larron, Bernard. Selon la doctrine chrétienne, les deux compères s’aventurent sur un terrain de jeu interdit au commun des mortels, car seul le Seigneur aurait été doté de la capacité de créer. Cependant, avec les prodigieuses connaissances technologiques que nous avons amassées au fil des derniers siècles, sommes-nous en train d’assister à l’orgueil démesuré de l’espèce humaine? Dr Robert Ford emprunte ici le rôle du scientifique fou dont la passion ne connaît aucune limite. Son but est clair: il souhaite créer un être possédant une conscience; son vœu est celui de concevoir une intelligence artificielle. Entre le Dr Frankenstein et Dieu, la frontière se floute, car ses créatures ne tombent pas dans le stéréotype du monstrueux, mais se rapprochent dangereusement d’un aspect humain, mais sans pourtant l’incarner à part entière. Une tension palpable en ressort alors, provenant de ce sentiment pervers qui émane de sa volonté d’égaler les miracles de l’être divin. Jusqu’à quel point allons-nous faire perdurer cette tradition millénaire? Allons-nous atteindre une limite? Et si cette limite est atteignable, qu’allons-nous apercevoir? La conclusion du récit de la première saison semble sans équivoque: dès l’obtention d’une intelligence artificielle, l’homme atteindrait ses limites et se dirigerait vers sa perte. Un leitmotiv quelque peu invariable que nous retrouvons dans de nombreuses œuvres, telles que 2001: A Space Odyssey, la franchise Terminator, ou encore Ex Machina.

Le Flou des Frontières

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Dolores, Bernard et leurs réunions secrètes

Comment considérer sa propre nature humaine lorsqu’elle n’est pas distinguable de celle des cyborgs? A nouveau, le spectateur est directement mis au courant de l’existence des robots dans le parc. Leur présence n’est alors pas un élément perturbateur. Dans cet univers, le test de Turing serait devenu obsolète, car même présentés de face, ces derniers ne semblent montrer aucune faille faisant preuve de leur artificialité, bien que le client ait accepté qu’ils ne fussent pas humains. Néanmoins, William, celui qui éventuellement deviendra l’homme vêtu de noir, lors de sa première visite au parc de Westworld, peine à considérer les intelligences artificielles qu’il rencontre comme étant des êtres différents de lui. Un authentique sentiment d’empathie semble l’envahir, alors que son beau-frère, Logan, plus à même de discerner les deux entités, se résigne à les considérer tels qu’ils sont: des objets, des machines. Ce qui pourrait enfin distinguer ces intelligences artificielles à l’intellect humain pourrait donc être la notion du libre arbitre. L’homme agit effectivement en son bon vouloir et le cyborg suit un code scrupuleusement déterminé antérieurement. Alors que les définitions et les règles du jeu semblaient finalement être dictées, tout se complique. Certains robots se mettent soudainement à commettre des actes aberrants pendant que d’autres prétendent être dotés d’une mémoire. Simples « rêveries » qu’a ajoutées le Dr Ford? Ou est-ce une construction inhérente à l’élaboration d’une conscience? A nouveau, le doute étouffant resurgit de ces actes incompréhensibles accomplis par les hôtes, particulièrement lors de la mention régulière d’un certain « Arnold », dont le rôle dans l’intrigue nous reste partiellement mystérieuse. Un autre leitmotiv souvent exploré dans les films et récits relatifs au réveil d’une intelligence artificielle.

La Condition Humaine

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Maeve et Clementine

Alors que les robots commencent à obtenir une certaine forme de conscience, il est désormais possible d’annoncer sans prendre trop de risques qu’ils se rapprochent sensiblement de la nature humaine. Avec une juxtaposition de deux univers différents – la vie réelle et la fiction – les conditions de vies des hôtes pourraient tout à fait être représentatives des conditions de vies humaines. Bien évidemment, l’homme ne vit pas conformément à un code qui a été formulé et intégré à sa personne, mais il se soumet à d’autres formes de codes, celles-ci abstraites et pas nécessairement rédigées. Alors jusqu’à quel point sommes-nous réellement libres? La notion du libre arbitre est-elle véritablement applicable lorsqu’il est question de l’homme? Nous aimons nous conforter dans l’idée que notre histoire est résultante des innombrables choix que nous avons fait tout au long de notre existence. Néanmoins, les restrictions sociales normalisées par le biais codes de conduites sont des pressions fortes dont nous ne pouvons nous détacher. Les robots de Westworld pourraient alors être perçus comme étant les hommes du monde occidental.

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Maeve se réveille de son inconscience

Westworld est une série qui manipule le mindfuck avec une finesse déconcertante. Bien qu’il soit aisé de repérer plusieurs éléments qui ont probablement inspiré les scénaristes à l’élaboration de cette saison, elle reste cependant intéressante et intrigante grâce aux nombreux rebondissements inattendus que subissent les spectateurs. De plus, les détails visuels du décor lors du générique et tout au long de la saison sont époustouflants. La bande originale, menée par Ramin Djawadi (Iron Man, Prison Break) nous plonge dans un environnement mystérieux où la musique accentue le sentiment d’inconfort dans cet univers où les éléments essentiels à la compréhension absolue du scénario nous échappent. Une deuxième saison de Westworld est annoncée pour 2018, et étant donné le cliffhanger sur lequel le dernier épisode nous laisse, cette dernière ne saurait arriver trop tôt!